Le musée de classe : objet de connaissance et de pratiques - Circonscription de Montivilliers

Le musée de classe : objet de connaissance et de pratiques

, par IEN - Format PDF Enregistrer au format PDF

Claude Reyt est l’auteure du livre Le musée de classe, une ouverture sur l’imaginaire (Armand Colin, 1988).
Cet ouvrage étant épuisé, il est consultable en ligne et même téléchargeable gratuitement en cliquant sur ce lien

Ce dispositif, apparu dans les programmes au milieu des années 80, est un espace intermédiaire entre exposition d’œuvres d’élèves et d’œuvres de références :
Le « musée de classe » est avant tout un outil qui ajoute aux pratiques artistiques des élèves une dimension culturelle et réflexive, explique Claude Reyt. Avec la récente introduction de l’histoire des arts dans les programmes, je pense que ce dispositif gagnerait à être redécouvert dans les classes. A la fois lieu de recherche où l’on trie, sélectionne, conserve et lieu où l’on donne à voir, le musée de classe peut devenir une véritable invitation au voyage dans l’histoire des arts.

Une article récent de Claude Reyt permet de repérer son rôle :
 confronter les créations des élèves avec des œuvres d’artistes
 s’inspirer des musées
 aller de la collecte à l’exposition
 mettre en mémoire

Il donne aussi des conseils pour l’aménagement de ce musée de classe.

Le musée de classe : un musée imaginé

Objet de connaissance autant que de pratiques, le musée de classe pourrait bien être remis au goût du jour dans le cadre de l’enseignement de l’histoire des arts. C’est en tout cas ce que pense Claude Reyt, agrégée d’arts plastiques et docteur en histoire de l’art, qui revient sur ce sujet qui la passionne depuis plus de vingt ans.
Quel est donc ce lieu où l’on s’émerveille, où l’on s’interroge, où l’on se cultive ? Le musée ? La classe ? Claude Reyt, agrégée d’arts plastiques et docteur en histoire de l’art répondrait : « le musée de classe ». Ce dispositif, apparu dans les programmes au milieu des années quatre-vingt, est un espace intermédiaire entre exposition d’œuvres d’élèves et d’œuvres de références. « Le ‘’musée de classe’’ est avant tout un outil qui ajoute aux pratiques artistiques des élèves une dimension culturelle et réflexive, explique Claude Reyt. Avec la récente introduction de l’histoire des arts dans les programmes, je pense que ce dispositif gagnerait à être redécouvert dans les classes.
A la fois lieu de recherche où l’on trie, sélectionne, conserve et lieu où l’on donne à voir, le musée de classe peut devenir une véritable invitation au voyage dans l’histoire des arts dans la mesure où les œuvres des élèves vont prendre du sens dans l’aura des œuvres du patrimoine ».

Confronter les créations des élèves avec des œuvres d’artistes

Si, dans le musée traditionnel, l’œuvre d’art se donne d’emblée, pour celui de la classe, l’enseignant partira de la pratique des élèves pour les amener vers des œuvres. « Ce n’est qu’après que les élèves auront réalisé une production, l’auront regardée et auront expliqué leur démarche de création que j’invite les enseignants à confronter les créations des élèves avec des œuvres d’artistes, précise Claude Reyt. Cette démarche est très motivante et permet d’éviter l’écueil de l’imitation, préservant, ainsi, les capacités d’invention des élèves. Elle permet également d’instaurer un débat critique autour de la démarche propre à tous les artistes : créer, se détacher de son œuvre, la soumettre au jugement des autres, autrement dit la montrer. C’est à ce moment souvent qu’émerge l’idée d’exposition. »

S’inspirer des musées

« Seulement, poursuit Claude Reyt, en introduisant des œuvres artistiques au cœur même des pratiques des élèves, les enseignants leur feront toucher du doigt les notions d’influence de référence et de rupture qui justifient une démarche historique dans la compréhension des arts. Cette démarche historique propre au musée traditionnel, les élèves vont devoir s’en inspirer. C’est là que s’imposera l’idée d’un musée de classe qui ne pourra faire l’économie d’une sortie en lien avec les recherches en arts plastiques de la classe mais pas seulement. Car, si la rencontre avec les œuvres est au cœur de la visite du musée, il est également important de prendre un peu de distance par rapport à cet espace. Aussi, cette visite permettra aux élèves de comprendre ce que sont ces lieux, de découvrir, par exemple, comment se sont constituées les collections, comment des œuvres privées sont devenues publiques, pourquoi tel tableau est à côté de tel autre, comment sont choisies les œuvres exposées. Cette approche mettra en avant le caractère ‘’artificiel ’’ du musée, autrement dit comment les musées recontextualisent les œuvres. Ce sera là l’occasion d’interroger les conservateurs, les documentalistes sur leurs fonctions mais, surtout, ce sera l’occasion de les interroger - et de s’interroger soi-même - sur le sens de la mise en valeur des œuvres, de leur ’’sacralisation‘’. Cette mise en exergue du rôle du musée répond d’ailleurs à l’un des objectifs de l’enseignement de l’histoire des arts dans la mesure où elle décomplexera certains élèves qui, faute de clés de lecture, en viennent à penser que les musées sont réservés à une élite. »

De la collecte à l’exposition

Organisé autour de trois espaces (d’exposition, de consultation et de conservation), plus qu’un musée en miniature, dans la classe, le musée devient un lieu de recherche constante, active, voire un peu sauvage, stimulant ainsi le débat : va-t-on réaliser l’exposition autour d’une thématique (le portrait dans la peinture, l’affiche, l’arbre, ... ), autour d’un artiste, d’une notion (organisation, espace, ombre et lumière, ... ) ou encore d’une technique (l’huile, la craie, le modelage... ).

« En préalable à la création du musée, outre la réalisation d’œuvres par les élèves, reprend Claude Reyt, il y a un travail de collecte et d’enrichissement des collections à mener. Ce travail est grandement facilité aujourd’hui avec l’accès quasi universel aux œuvres que propose Internet. Cette collecte, fondée sur la recherche de la classe, s’appuiera sur les contenus disciplinaires ou pluridisciplinaires définis par le maître ou, mieux, par les élèves. Pour cela, la nouvelle liste d’œuvres pour l’histoire des arts sera un excellent déclencheur pour amorcer une recherche. Au fur et à mesure que les élèves vont alimenter le fonds du musée où seront puisés les éléments exposés, celui-ci va rapidement nécessiter une relative classification qui pourra s’appuyer sur les critères préconisés dans les récents BO pour l’étude des œuvres, à savoir : formes, techniques, significations, usages. Cette classification implique la création d’un fichier où les œuvres seront précisément répertoriées par titre, date, auteur, pays, dimension réelle, technique, lieu réel de conservation, éventuellement comment cet objet est arrivé dans le fonds du musée de classe. Ce fichier aidera plus tard à monter l’exposition mêlant les reproductions retenues et les originaux des élèves. L’inventaire des moyens pour la mise en valeur des œuvres (cf. encadré) sera un bon moyen de vérifier ses connaissances car, qui dit exposition, dit scénographie et vernissage. L’élaboration de la scénographie, moment clé de la préparation de l’exposition, devra justifier les liens créés entre les œuvres. Quant au vernissage, il offrira aux élèves l’occasion de répondre aux questions que les visiteurs ne manqueront pas de poser sur ces liens. Par exemple, dans une exposition autour du dessin moderne, j’ai vu des élèves mobiliser tout leur savoir pour répondre à des questions du type : ‘’ Pourquoi avoir mis Picasso à côté de ce dessin d’élèves ? Et pourquoi Picasso et non Matisse, alors que ces deux peintres travaillaient à la même époque, dans la même ville ?... ‘’. Pour provoquer ce questionnement, on veillera à ce que l’exposition ne soit pas trop didactique. Les élèves, s’ils ont été pleinement impliqués en amont, en rappelleront le sens ».

Mise en mémoire

« Ainsi, conclut Claude Reyt, à travers le musée de classe, c’est toute une mémoire de l’exploration des élèves qui se met en place :
 Fichier de la collection du musée, autrement dit toutes les œuvres que les élèves auront rencontrées tout au long de leur projet de musée.
 Les œuvres des élèves qui témoignent de leurs recherches plastiques en lien avec une technique ou une thématique éprouvée par des artistes. Les travaux des élèves gagneront d’ailleurs à être photographiés et répertoriés minutieusement pour alimenter à leur tour la collection du musée de la classe, concrétisant ainsi l’idée de patrimoine contemporain.
 Les informations collectées sur les artistes, les époques, les techniques, les mouvements ...
 Traces des sorties au musée (œuvres originales découvertes, personnes rencontrées, éventuellement interviewées).

Avec les nouvelles technologies, on peut aisément imaginer qu’à la fin de chaque exposition, les élèves repartent avec un CR-ROM, DVD ou autre clé USB contenant, non pas un petit musée imaginaire, mais leur musée imaginé ».

Propos recueillis par Robert Touati, dans la revue Animation & Education, n° 211-212, juillet-octobre 2009

Document joint

Article de Claude Reyt : "Le musée de classe : un musée imaginé"
publié dans Animation & Education, 2009 + extrait de son ouvrage sur le musée de classe